Quand on est adopté à l’âge de 5 jours, est-ce qu’on a une dette avec la vie ? Est-ce qu’il y a des choses à rendre ou au contraire à reprendre ? Louis-Daniel Godin traque les nombres de sa vie et replonge à travers eux, de manière obsessionnelle et émouvante, dans ses souvenirs d’enfance.

Dans ce grand récit introspectif, le narrateur tente de comprendre si il a une dette et, le cas échéant, si elle est payée. Il traque les coïncidences et les nombres qui se répondent dans sa vie. Il suit le flux de ses pensés, cherche les pertes et les gains qui ont rythmé sa vie. Le récit se déploie à mesure que les nombres grandissent et se dresse alors progressivement le portrait de l’auteur. Il nous raconte avec beaucoup de justesse les désillusions et les humiliations de l’enfance. Il parle de sa relation à sa mère et demeure un grand absent tout au long du texte, le père.

On ne peut pas se défaire du sentiment de dette quand on a l’impression d’être soi-même l’objet d’une transaction entre la famille Godin-Ouimet et les services sociaux.

La langue, déroutante au début, devient progressivement fascinante par son rythme. Le flot des pensées de l’auteur semble jaillir directement du livre. Hachée, tourbillonnante, l’écriture évoque la recherche de soi et les hésitations de l’auteur. Le « on », obsédant, employé (presque) tout au long du récit, invite à plus de proximité du lecteur avec le narrateur. Nous nous tenons à ses cotés à mesure qu’il fait le compte de sa vie.

Il faut en finir avec ça, on est jamais quitte avec la vie, il faut avancer, il faut avancer quand même, on est jamais quitte avec la vie, la vie, la vie.

L’impact de l’adoption, la recherche de la sexualité ou encore le poids de l’enfance sur la construction d’un adulte sont les grandes questions qui traversent le livre. S’il n’y a rien de bien nouveau sur le fond, les récits pour expliquer le sens de son enfance sont légion, la forme est vraiment originale. La langue comme la manière de mener son introspection interrogent et happent le lecteur. La pointe d’humour et l’émotion qui affleurent sous les mots achèvent de nous emporter. Après trois chapitres lus laborieusement, je me suis surprise à ne plus pouvoir lâcher le livre.

Peut-être un énième livre d’introspection, un énième récit familial, mais qui a l’élégance d’avoir du style et du panache.