Il y a vingt ans à Gênes, se tenait un sommet du G8 ainsi qu’un contre sommet historique. Ce furent trois jours d’affrontements dans une ville en état de siège durant lesquels un jeune militant italien trouva la mort. La nuit tombée sur nos âmes nous plonge dans ces jours de tension extrême et de violence. L’auteur nous raconte ces journée si particulières qui posèrent les jalons des luttes sociales à venir. Je n’avais jamais rien lu de similaire et autant le dire tout de suite, j’ai été complètement emportée par ce roman.

Alors que le cœur du Gênes se referme pour accueillir les chefs d’état du G8, 500 000 personnes se préparent à manifester. Venant de toutes les mouvances de la gauche et de toute l’Europe en portant des revendications sociales et politiques. Tous refusent l’ordre mondiale. Parmi eux il y a Wag, un français habitué aux manifestations et Nat, une militante proche des Black Blocs. On rencontre aussi des journalistes, des policiers infiltrés et des conseillers politiques. Toutes les parties prenantes des événements qui vont agiter le sommets sont présentes. Des politiques italiens fascistes, aux militants de gauche les plus radicaux, l’auteur nous brosse un portrait exhaustif des mouvances en présence.

Une véritable campagne de terreur a poussé les habitants de Gênes à fuir ou à se terrer chez eux devant la barbarie altermondialiste qui vient. La ville est déserte, l’état de siège a été proclamé.

Très vite le lecteur est happé par l’action. Les événements s’enchaînent, les personnages doivent prendre des décisions rapidement et le rythme s’accélère à mesure que le roman avance. Nous sommes omniscient, à la fois dans les coulisses du pouvoir et au cœur des manifestations. La violence et la tension règne dans la rue mais aussi dans les salons dorés ou dans les casernes des carabiniers. L’inévitable arrive et un militant est tué. Carlos Giulina si prend une balle, c’est le déchaînement. Frédéric Paulin était présent au contre sommet et nous sentons dans son écriture une forme d’urgence, de révoltes. Même si ses affinités avec les militants altermondialiste sont claires, il reste lucide sur leurs dérives et leurs contradictions. En plongeant au cœur de la fougue de la manifestation, le lecteur est pris d’une forme de révolte face une répression disproportionné.

Alors que s’organise le contre sommet, les tensions au sein des opposants politiques sont vives. Entre les black blocs, les parties d’extrême gauche traditionnelles et les diverses mouvances alter-mondialistes, les divergences sont profondes malgré la présence d’un ennemi commun. Cette incapacité à réellement s’entendre et échanger gangrène la diffusion des idées de gauche. En parallèle des débats internes aux opposants d’autres discutions ont lieu entre les cercles du pouvoir. Un chargé de communication de Jacques Chirac affronte un fasciste du ministère de l’intérieur italien. Deux visions et des intérêts divergents se confrontent en entraînant compromissions et manipulations. Les journalistes ne sont pas en reste dans ce tableau tout en nuance. Nous suivons une jeune femme ambitieuse qui assiste impuissante à la violence policière. Elle comprend alors son incapacité à témoigner de ce qu’elle a vu et le peu d’intérêt que son journal porte à cela.

Son métier de journaliste, elle ne le voyait pas comme ça. Faire des comptes-rendus élogieux de la puissance française, elle aurait aimé laisser ça aux pantouflards de la rédaction. Lorsqu’elle est devenue journaliste, la jeune femme souhaitait couvrir les zones de guerre, partir aux quatre coins du monde, expliquer la complexité de la géopolitique à des lecteurs curieux. Elle y croyait. Enfin, elle y a cru quelques mois. Puis elle a compris : le lecteur n’est pas curieux et la géopolitique est trop longue à décrypter pour que cela intéresse les grands groupes de presse.

Frédéric Paulin s’attaque à un sujet rarement vu en littérature avec une force et un réalisme saisissant. Il raconte des journées qui ont changées le militantisme et le rapport avec la police. C’est un texte qui m’a passionné par son sujet mais aussi par la manière dont l’auteur brosse des personnages extrêmement justes. En racontant cet événement quelque peu oublié, Frédéric Paulin nous donne à reflechir sur nos luttes actuelles. Un coup de cœur !