Écrire sur quelqu’un de vivant est toujours un exercice compliqué. Le risque de la vampiriser, d’avoir un impact négatif sur sa vie est grand. En racontant l’histoire de Toumany Coulibaly, champion d’athlétisme et braqueur, Mathieu Palain en a bien conscience. Mais avec brio dans Ne t’arrête pas de courir, il ne tombe jamais dans cet écueil et nous offre un récit vibrant à la portée plus large qu’il n’y parait.

Toumany Coulibaly est le cinquiéme enfant d’une fratrie de dix-sept. Il grandi dans une ban lieu du sud de Paris et vient à l’athlétisme un peu par hasard. Quand il commence à fréquenter les pistes de courses il a déjà un passif très lourd de voleur. Il se révèle être un athlète virtuose capable très vite de grandes performances. Mais son activité de voyou ne cesse jamais et fini par le rattrapé. Il est aujourd’hui incarcéré depuis plusieurs années. Mathieu Palain est journaliste et issu de la même banlieue que Toumany Coulibaly. Lui aussi a caressé des rêves de sport en haut niveau. Intrigué par le destin du coureur, il lui ecrit une lettre. La réponse arrive un an plus tard et commence alors une série de rencontre entre les deux hommes au parloir de la prison. L’auteur tente de comprendre le détenu et les raisons de son impossibilité à cesser de voler. Mais très vite c’est aussi sur lui-même qu’il s’interroge.

Tu sais, Anne, c’est compliqué de te dire ça, mais j’ai plus d’adrenaline quand les flics me courent après qu’en remportant un 400 mètres.

Une proximité s’établit entre les deux hommes, un rapport de confiance. L’auteur se prend à espérer une rédemption sous forme de course vistorieuse au JO de Paris. Au fils de ses rencontre il prend conscience que la réalité est plus complexe, que le chemin est pavé d’embûche. On sent l’empathie et l’amitié qu’il porte pour Toumany. Dans un style fluide et directe, il nous offre un récit émouvant et plein d’humanisme. Mathieu Palain écrit de manière juste sans tomber dans le pathos. Il dit la vie de Toumany avec ses moments de gloire et ses bassesse, sans angélisme ni apitoiement. Tout au long du récit il garde une forme de pudeur en parlant de Toumany, cherchant toujours à être le plus exact possible.

Les discutions avec Toumany poussent l’auteur t s’interroger sur lui même. Il reviens sur les questionnements qui l’obsèdent : la notion de culpabilité et la prison. Il s’interroge sur l’institution pénitentiaire et sur ces limites . C’est une réflexion passionnante et nécessaire. On sent que l’auteur a mis beaucoup de lui dans ce livre. Son humanisme transparaît et émeut. Son parcours et ses errances se mêlent à ceux de Toumany. En cherchant à le comprendre c’est lui-même qu’il tente egalement de percer à jour.

Les vrais voleurs le savent, le plus dur commence quand il faut contenir sa joie.

En lisant ce texte on rêve d’un retour sur les piste de Toumany Coulibaly, de courses victorieuses. On prie pour que la spirale des vols cesser, qu’une rédemption soit possible. Mais surtout on espère que les institution sportive et la société sauront aller au-delà du passé de taulard pour voir l’homme qu’il est, talentueux et déterminé. Un récit fort qui saura, j’en suis certaine, toucher le plus grand nombre.

Merci aux éditions l’Iconoclaste pour cet envoi.