La pile de livre que je dois chroniquer ne cesse de grossir mais, avant de m’y atteler, je dois vous parler de ma dernière lecture. Elle passe devant toutes les autres car ce fut pour moi une surprise d’aimer autant ce roman. C’est un livre qui évoque les ruptures amoureuses donc, à première vue, pas le genre de thématique qui me séduit habituellement. Mais c’était sans compter sur la plume de l’autrice et sur son parti pris qui m’ont complètement accrochée.

Le narrateur est un réalisateur qui peine à se remettre d’une rupture amoureuse. Afin de tenter de se reconstruire, il accepte un projet de documentaire autour des amours rompus. Il va à la rencontre de femmes quittées et recueille leurs témoignages. Dans les méandres de leur voix, il tente de trouver un matériau artistique ainsi qu’une issue à sa propre peine.

Les enregistrements reprennent. La carte de Paris en main, j’explore les ondes chagrines au gré d’une géographie toute personnelle. Contournant toujours notre quartier, nos lieux familiers, je me jette dans l’inconnu. Enfin, c’est un bien grand mot. Disons que je choisis un périmètre dans lequel j’espère encore la croiser. Ne pas trop m’éloigner. Aimanté par le hasard, je me sens inféodé au coup de dé.

Le roman se fait polyphonique et nous livre une succession de monologues intimes à la fois uniques et entrant en résonance les uns avec les autres. A la suite du narrateur, nous entrons dans un tourbillon de voix de femmes abandonnées. Il nous parle aussi de leur regard, de leurs mains, de leur démarche. Il s’attache à toutes ces petites choses qui en disent parfois autant que les mots. Face à l’abandon, elles réagissent toutes de manières différentes. Elles nous laissent entrevoir leurs plaies sans jamais totalement se livrer. Il y a une forme de pudeur qui demeure et empêche de tomber dans un grand déballage.

Les témoignages sont poignants car ils sont portés par une écriture très poétique. Séverine Danflous sait dire la peine et la douleur avec beauté. Elle sublime par ses mots des expériences dévastatrices et par eux propose une forme de consolation. Chaque phrase est ciselée, épurée. C’est un réel plaisir de lecture.

Il n’y a que dans les chansons qu’on entend je t’aime encore. Il ne m’aime plus. Et ne m’aimera plus. Jamais. Il n’est plus là. Je tourne en rond. J’attends. Il m’a mise sur pause. Mais c’est inutile. Je sais qu’il ne reviendra pas. Jamais.

La construction du récit de tombe pas dans le catalogue expérience, elle reste subtile et pensée. Toutes ces expériences questionnent et secouent le narrateur. Dans ce panel de voix délaissées, il exorcise ses propres souffrances. Se référent sans cesse aux Héroïdes d’Ovide, il se lance dans son projet sans savoir où cela le mènera. Nous lecteur, nous le suivons avec un plaisir non dissimuler dans ce flou libérateur et poétique. Grâce à la multiplication des témoignages, l’autrice évite les poncifs et les clichés. Elle nous parle de rupture de manière sensible et juste.

Me voilà à l’épreuve des balles. Une cuirasse me recouvre. Ils vont et viennent en moi, chez moi. Ils rentrent et ressortent de ma vie sans laisser une seule blessure. Je me suis constitué une armure au fil des ans. Non, je crois que je l’ai fabriquée après la première rupture

Malgré ma réticence à lire des romans traitant de ruptures amoureuses, j’ai été vraiment touchée par ce texte qui renouvelle un genre pourtant éculé. Un très belle découverte et une maison d’éditions à explorer !