Avec sa couverture rose et ce dessin de pièce montée, on s’attend à une comédie romantique. D’une certaine manière Ni seuls, ni ensemble en est une, mais c’est une comédie amère, terriblement actuelle et très intelligente. On rit à la lecture de ces pages mais on grince des dents également. Belle surprise que ce roman drôle et percutant qui questionne sur la notion d’engagement au sens large et parle de notre époque.

Louise est issue d’un milieu bourgeois et travaille dans une entreprise qui fabrique de la sauce tomate. Elle rencontre Karim dans une réunion du partie centraliste. Jeune homme issu d’un milieu populaire et dont les parents sont nés en Algérie, il rêve de percer en politique. Très vite, il tombent amoureux et se mettent en couple. Mais les grands débats qui traversent le société et les ambitions politiques de Karim s’invitent dans leur union.

Louise découvre avec bonheur que, sous ses dehors exotiques, Karim est plutôt normal. Bon, d’accord, on sens qu’il a été élevé dans une culture patriarcale et patrilinéaire […] mais du coup c’est pratique d’avoir cette grille de lecture, ça remet en perspective certaines de ses réactions.

Dés les premières pages le ton se fait léger, décalé. Cela m’a un peu restabilisé au début mais très vite je me suis laissée emporter. Louise et Karim se racontent chacun leur tour ou ensemble, c’est leurs voix que l’autrice nous fait entendre. Il y a énormément d’humour et d’ironie. La question d’engagement dans un couple, mais aussi en politique traverse tout le roman. Elle est vécue de manière différente par les personnages. Dès le début de leur couple un décalage se crée dans leur attente mais ils avancent malgré tout.

Rarement une de mes lectures aura autant résonné avec l’actualité la plus proche. Les grands débats qui animent notre époque sont tous présents dans ce roman (il ne manque que le covid en fait). Certaines situations font écho à des événements politiques qui se sont réellement passés. L’autrice les analyse de manière très juste. Elle pointe les lâchetés et les compromissions que l’ambition politique fait advenir. Il y a une forme de fatalisme aussi, malgré les meilleurs intentions de départ, Karim se retrouve prisonnier d’une engrenage et renonce à ses principes. Louise est le soutien de l’ombre de son mari mais surtout la spectatrice de ses choix politiques.

Pour ne pas faire « trop parachuté », il a loué un studio à Charleville-Mézières, où il passe des week-end voire des semaines. De l’avis de Louise, Charleville-Mézières est parmi les endroits les plus déprimants où la main de l’homme a jamais mis les pieds, surtout en hiver ; en plus, les gens sont racistes, Karim n’ aucune chance de gagner. On serine toujours que Rimbaud vient d’ici : gnagnagna, Rimbaud vient d’ici, ouais, et on comprend vite pourquoi il n’a eu de cesse d’en partir.

La différence de milieu et d’éducation semble au départ anodine à Louise et Karim. Ils projettent tout deux des fantasmes et des clichés sur la famille de l’autre. Cela crée des maladresses et des incompréhensions. Même si des barrières tendent à s’effondrer, il reste compliqué de s’aimer et de se comprendre quand on vient d’univers si differents. Les grands débats qui animent la société, les injonctions contraires ou la politique résonnent dans le couple et cristallisent les différences. L’autrice fait preuve d’une très grande lucidité et dépeint, avec une plume parfois acide, les vicissitude d’une couple de notre époque.

Un texte mordant aussi drôle qu’intelligent qui ne manquera de faire réagir son lecteur. Très belle surprise !

Merci aux éditions Aux Forges de Vulcain pour cet envoi.