Est-ce un roman ? un poème ? Non, c’est une forêt. C’est en tout cas comme cela que l’autrice présente son ouvrage. Le texte nous parle d’errance, de mouvements contraires et d’une géographie élastique. La fabrique du rouge est un texte complétement atypique, complétement déroutant. Je ne sais pas si j’ai absolument tout compris du texte mais ce dont je suis certaine c’est que j’ai adoré m’y perdre.

Dans un labyrinthe d’images et d’impressions, errent quatre personnages. Il y a une couple d’amants désunis, tout deux voyageurs. L’homme vient d’une ville où l’on fabrique le rouge, Ardâmes. Il rencontre dans les forêts un compagnon, l’homme des Flandre. Le quatrième personnage c’est Amir, c’est un petit garçon. Autour d’eux gravitent d’autre personnages, d’autres figures.

Le lecteur se promène dans le livre et rencontre, au hasard des chapitres, les différents personnes qui le peuple. Passant de la ville à la nature, de lieu connus à d’autres plus énigmatiques, l’errance se fait tortueuse. Le mouvement qui s’opère semble ne répondre à aucune logique sans logique sinon celle des émotions. Des images se superposent et donnent à ressentir un exil, un chemin. En mouvement par choix ou pas contrainte, les personnages nous entrainent à leur suite à travers les époques, les lieux et les mythes. D’intrigue il n’y a pas, ce se sont plutôt des images avec des personnages récurents qui se répondent et qui se croisent.

Là commence l’histoire de ceux qui ont vu le cerf, qui ont considéré le rouge de très près
ont désiré s’en teindre les cheveux, la peau, l’intérieur de la bouche,
y ont puisé de la force,
et s’en sont fait une maladie pour tenir,
une maladie comme un feu qui détruit et réchauffe.
Leur histoire, celle de tant d’entre nous :
fugitifs qui se cachent,
qui cherchent comment tracer une route
– pour sortir de la forêt.
Femmes ermites, enfants indiens,
foules tristes ou folles.

Il y a le rouge partout. C’est le rouge des briques des usines mais aussi le rouge de la chaleur, celui du sang ou encore celui du sable du Sahara. Le rouge est un élément central, omniprésent dans le récit. Le rouge est là comme couleur mais aussi comme émotion. C’est la rouge de l’amour, de la passion, du désir ardant. C’est un rouge brulant qui pousse les personnages à se mettre en mouvement vers un ailleurs désiré, fantasmé.

La langue est belle car envoutante et surprenante. Parfois je me suis mise à murmurer les phrases pour mieux les entendre sonner en moi. L’autrice nous invite par ses mots, par sa forêt d’images, à l’errance. Les sentiers de son récit sont multiples, parfois sombres . C’est grisant et délicieusement déroutant.

La faim c’est relire le même livre, y venir avec passion, réclamant d’être submergé, espérant retrouver de la ferveur – et se trompé par sa fatigue, ne rien comprendre à ce qui jadis nous avais tant bouleversé, et penser avoir tout perdu.

Merci aux éditions de l’Ogre pour cette envoi