Les éditions Seuil lancent une nouvelle collection d’une bien belle manière. Cinq petits indiens inaugure les « voix autochtones » avec un texte polyphonique saisissant. L’autrice s’empare du sujet des pensionnats pour enfants autochtones et nous offre les voix brisées de ces survivants.

Dans les années 60 au Canada, de jeunes adultes, fraîchement libérés des pensionnats où ils étaient enfermés depuis l’enfance, tentent de panser leurs blessures et de se construire une nouvelle vie. Arrachés à leurs racines, coupés de leur famille et traumatisés par des années de sévices, ce sont des âmes brisées. Maisie, si forte en apparence ; Lucie, fragile et amoureuse ; Clara, attisant sa colère et sa rébellion ; Howie qui paye de s’être venger ou encore Kenny qui n’en finit plus de fuir, mêlent leur voix. Ils se croisent, se frôlent, se soutiennent et se quittent. Leur passé commun les ramène sans cesse les uns vers les autres et les douleurs de l’enfance ne cessent de la hanter. Chacun tente de survivre avec sa colère ou sa souffrance, d’avancer malgré toute la noirceur accumulée.

Mais hélas, redevenir un enfant, vivre à nouveau dans l’insouciance, sans peur, sans coups – personne n’a le droit à une telle chance. Ne subsiste qu’un vide béant, un manque que rien ne peut combler.

Sujet longtemps tabou au Canada et aujourd’hui heureusement plus documenté, les pensionnats pour enfants autochtones livrent leur lot d’horreurs et de douleurs. Après Richard Wagamese et Michel Jean, Michelle Good aborde la question avec un angle différent. Elle s’attarde moins sur les conditions de vie dans le pensionnat que sur le devenir des survivants. Elle s’intéresse à leur trajectoire, aux écueils qui jalonnent leur route et aux possibilités de guérison. J’ai été particulièrement touchée par l’insoumise Clara dont la colère se transforme en énergie de combat. Elle renoue avec l’indienne en elle pour mieux avancer et réclamer réparation.

L’écriture est immersive et chargée d’émotion. Il n’y a jamais de pathos ou de caricature et les personnages sont brossés avec beaucoup de délicatesse. L’autrice puise dans son expérience d’avocate auprès des survivants de pensionnat pour construire son histoire et donner tant de subtilité à chacun des cinq petits indiens.

Un moment très fort passé entre les pages de ce livre et une collection à suivre avec attention !

Elle se souvint de Georges lui disant un jour que, pour les Blancs, les Indiens étaient comme des mauvaises herbes – quelque chose dont il fallait se débarrasser pour avoir un beau jardin. Il avait ajouté que les mauvaises herbes étaient des fleurs indigènes. « Tu es une fleur indigène, Clara. Ne te considère jamais comme une mauvaise herbe. » C’étaient les mots qu’il avait employés.

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