Mes lectures se suivent et parfois se répondent. « Hotline », comme « Tu mérites un pays » dont je vous ai parlé récemment, parle d’adaptation dans un nouveau pays, de tentative de se fondre dans un nouvel environnement. C’est au Canada que Muna doit tout recommencer avec son fils Omar, loin du climat plus propice de sa Beyrouth natale.
En 1984 Beyrouth est en proie aux combats de rue. Le mari de Muna disparaît un matin alors que la pression des armes s’amplifie. Deux ans plus tard, avec son fils de 8 ans Omar, elle s’installe à Montréal dans un appartement minuscule. Elle obtient un emploi dans une société qui vend par téléphone des boîtes repas diététiques. Prise par des problématiques d’argent, accaparée par son travail, elle délaisse son fils. Le fantôme de son mari disparu hante ses soirées et la solitude lui pèse.
« Holine » se lit tout seul. Le roman est rythmé, la narratrice est attachante et on est très vite soucieux d’elle ainsi que de son fils. Jeune femme endurante et courageuse, elle lutte pour avancer dans son travail et dans un société qui la met à l’épreuve. Ici même le climat est contre elle. Dans la neige et la glace, elle doit se tenir debout, continuer d’avancer. Ignorante des codes de son nouveau pays, coupée des siens, elle résiste. Malgré ses diplômes d’enseignante, elle est contrainte de prendre un travail sans qualification. Contre toute attente, elle y trouve un intérêt, une utilité. Derrière leur combiné, ses clients en quête de minceur se livrent et apprécient son écoute et ses conseils.
Si j’ai aimé suivre Muna dans ces difficultés, j’ai regretté que la société de produits diététiques ne soit jamais remise en cause. Entre le fait de vendre des produits minceur et celui d’exploiter des gens aux abois, il y avait matière à critiquer cette entreprise. La narratrice au contraire y fait une carrière fulgurante et les produits n’y sont remis en cause qu’une fois. Il y a quelque chose de trop parfait, trop lisse peut-être dans la seconde partie du roman. Je m’attends aussi à plus de complexité dans la relation avec son fils ou avec les autres femmes exilées qu’elle côtoie. Peut-être suis-je trop habituée à lire des récits d’impossible assimilation, de perpétuels échecs et la trajectoire de Mouna m’a semblé trop « facile ».J’ai presque eu l’impression que le roman était à la limite du feel-good à certains moments. Il n’y a aucune condescendance ou jugement de ma part là dedans, ce n’est juste pas ce que je recherche en littérature.
Hotline reste un bon roman qui aborde des questions intéressantes et qui m’a complètement happé. J’en retiendrai certaines scènes particulièrement marquantes. J’ai été par exemple scandalisé par le discours que tient l’enseignant d’Omar à Mouna, l’exhortant à plus d’assimilation de manière très virulente. Je dois malheureusement avouer que cela me semble assez plausible, je suis persuadée que ce genre de propos sont réellement tenus face à des familles de réfugiés… Au cœur du roman il y a aussi la sororité qui m’a émue, les liens entre femmes d’origine différentes qui se nouent. Toutes étrangères et d’horizons divers, elles créent entre elles des ponts entre leurs cultures, des nouvelles formes de sociabilité et d’amitié.
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