Dans les paysages glacés du grand nord canadien, vivre est un défi. Coupés de tout, livrés au froid permanent, les hommes sont guettés par la folie. Seul le travail minier retient les familles et permet à la ville de se maintenir. Dans un paysage peuplé de légendes indiennes où les monstres semblent peupler les ombres, Jacques a grandi et a fui. « Une danse pour les ombres », traduit par Etienne Gomez, nous entraîne dans un roman captivant entre thriller et roman familial. Pour moi, une première entrée réussie dans l’univers de R.J Ellory.
Jacques a fui Jasperville il y a plus de vingt ans. Il mène une vie sans attache entre un travail d’enquêteur pour une société d’assurance et quelques relations sans lendemain. Un jour, il reçoit un appel lui annonçant que son petit frère a tenté d’assassiner un homme et est désormais en prison. Il décide de partir à Jasperville afin de le voir et de comprendre ce qui s’est passé. Il doit pour cela affronter son passé, revenir dans des terres qu’il a fui. L’histoire sanglante de Jasperville se rappelle à lui, des êtres qu’il a aimés et abandonnés attendent des comptes de sa part, un meurtrier quelque part se terre…
Il commençait à comprendre que les fantômes étaient en lui et que, même s’il partait au bout du monde, ils l’attendraient encore.
Le roman est construit en deux temps. La première partie revient sur l’histoire de la famille de Jacques et sur les événements traumatisants qui ont eu lieu à Jasperville. La seconde partie se concentre davantage sur l’enquête en elle-même. Les aller-retours dans le temps font monter le suspense et font émerger les questionnements. L’intrigue est habilement menée et pleine de surprises. L’enquête autour des meurtre, bien qu’au cœur du livre, n’en ai pas le sujet principale. L’auteur s’intéresse davantage à ce que les crimes ont impliqué dans la vie de Jacques et dans le choix qu’il a fait. Il fouille l’âme de son personnage, la complexité de sa psyché.
A travers ce roman Ellory questionne la notion de monstruosité, la frontière entre les mythes et la réalité, la part d’ombre qui sommeille en chacun d’entre nous. La figure du Wendigo, monstre cannibale présent dans l’imaginaire Algonquien, plane sur le roman. Beaucoup l’évoquent et redoutent sa capacité à s’emparer de l’esprit d’un homme. Mais se dire possédé par un esprit maléfique, n’est-ce pas une manière de se dédouaner de ses crimes ? Quand la violence dépasse l’entendement humain, les mythes prennent le relais pour expliquer l’inaudible. Face aux mystères de ses assassinats barbares, face à la peur, chacun cherche des explications, une manière d’accepter le réel. Les jeunes filles sont des proies et les hommes sombrent dans la folie au spectacle de leurs corps meurtrie. Ils invoquent des animaux sauvages ou des créatures mythiques au lieu d’aller affronter la véritable cause. Ils détournent leur regard de la violence la plus brutale, préfèrent l’ignorance à une vérité trop sombre.
On fait tous des conneries, certains plus que les autres. Mais, tu sais, ce qui compte, ce n’est pas la façon dont les gens agissent. C’est la façon dont ils réagissent.
J’ai été happée par ce roman d’un bout à l’autre de ma lecture. Le parcours de Jacques, ses questionnements sur le pardon et le poids du passé m’ont émue. La grande place laissée à la nature gelée, au froid mordant m’ont rapidement immergée dans ce désert blanc. L’auteur rend bien compte de la vie si singulière dans ces contrée reculée et constamment givrées. Je découvre avec ce livre l’univers de Ellory et j’en sors très enthousiaste.
Merci aux éditions Sonatine pour cet envoi.
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