Je vous parle régulièrement des éditions Dépaysages tant j’aime leur collection de littérature. Elle offre un espace pour les voix des autochtones d’Amérique du nord. Avec Kitckike, Louis-Karl Picard-Sioui (que nous avons reçu en Vleel), nous entraîne dans une réserve imaginaire pour à l’écoute du pouls des communautés autochtones du sud du Québec.

A Kitchike se côtoient des personnages tous très différents. La communauté est traversée par l’influence de l’église mais aussi par le poids des traditions. Roméo,, le chamane se mesure à Albin le curé tandis que Pierre Wabush drague à tout va et apporte le scandale qui secoue la réserve. Le chef Saint-Ours s’en trouve ébranlé et rien n’échappe à la très loquace Madame Paul, caissière du Gaz Bar. En périphérie, il y a la ville et le regard emprunt de condescendance et de curiosité des blancs. Les deux mondes vivent côte à côte sans réellement chercher à se comprendre.

Le roman prend des allures de recueil de nouvelles. Chaque chapitre fait entendre la voix d’un personnage et raconte une histoire presque indépendante des autres. Ce sont des tranches de vie souvent intimiste qui nous sont racontées. Suivant les narrateurs ou les points de vue, le ton change, la langue se fait mouvante. Parfois écrit dans un français très littéraire ou parfois émaillé de termes québécois, le texte nous immerge dans le cœur battant d’une communauté autochtone québécoise. A Kitchike on ne s’ennuie pas, il y a toujours une anecdote à se raconter au gaz bar ou la sortie de l’église. Reliés par des souvenirs et des traditions communes, tous vont être secoués quand le scandale va retentir.

J’ai beaucoup aimé la langue de ce livre que j’ai trouvé très inventive et vivante. On sent le soin accordé par l’auteur aux mots. Louis-Karl Picard-Sioui est un poète et un membre du clan du loup du peuple wendat. Il porte en lui un héritage riche et un goût pour la langue. Son texte est habité, vibrant d’humanité. Il manie l’humour comme l’émotion avec justesse et nous propose un texte en forme de patchwork de styles et d’histoires absolument délicieux.

Je ne peux que vous encourager à partir à la rencontre des habitants de Kitchike, un voyage à la fois drôle et émouvant.

Et comme lorsqu’il était enfant, il se permit de douter. Douter du monde qui l’entourait, de ses règles, de tout ce qu’il avait appris, de ce qu’il avait tenu pour acquis. Et soudain, le monde lui semblait neuf et merveilleux.