Alors que nous sommes qu’en janvier, je viens de refermer un livre qui, j’en suis certaine, fera date dans mon année de lecture. Le démon de la colline aux loups est une déflagration, un séisme littéraire. C’est un livre dont on sort dans un état second et qui nous habite longtemps après. Un livre incarné et nécessaire.

Duke écrit son histoire depuis la prison où il enfermé pour meurtre. Il raconte son enfance avec ces cinq frères et sœurs dans une famille maltraitante. Les premières années de sa vie, il les passe dans un huis clôt sordide et ne connait rien du monde extérieur. Puis arrive l’école, c’est un choc terrible pour lui et peut-être une possibilité d’échapper à la violence de son foyer. Mais est-ce seulement possible ? On le suit dans ses souffrances comme dans sa tentative de rédemption dont on sait d’avance l’échec. C’est le parcours d’un homme victime et coupable, un homme auquel on s’attache malgré tout.

Le premier tiers du livre est extrêmement difficile à lire. Duke nous raconte les sévisses innommables qu’il reçoit. Il y a cependant une forme de pudeur dans sa manière d’en parler. Conscient que certains épisodes sont d’une grande violence, il tente de ménager son lecteur. Mais les faits étant atroces, cela reste une lecture éprouvante. J’ai eu la nausée et j’ai du faire une pause dans ma lecture tant la souffrance de Gus était palpable.

Il faut que j’avoue que j’ai failli arrêter quand je suis arrivé à cette partie-là de ma vie je voulais rendre la machine je dis pas que j’ai pas été tenté de la jeter contre le mur et tant pis pour la rédemption et autant se torcher avec le papier. C’était impossible de revenir à ça et de se replonger dans la fange.

L’écriture, sans presque aucune ponctuation, porte le récit et nous immerge dans l’intrigue. Nous sommes entrainé dans le flot des souvenirs de Duke et nous ressentons avec lui les émotions qui le traversent. C’est par ses yeux que l’on voit le monde. Chaque découvertes et pour lui une tempête de sensations. C’est sa voix qui résonne en nous et qui ne nous quitte plus.

Les personnages autour de lui sont bouleversants aussi. La maitresse qui détourne le regard pour camoufler ses larmes, le policier qui quitte la salle d’interrogatoire ne pouvant en supporter d’avantage où les infirmières qui ne peuvent s’empêcher de prendre Duke dans leur bars sont tous criant de vérité. Comment ce comporter face à un enfant aussi détruit ? Quelle armes avons nous, nous les adultes pour les protéger ou les soigner ? Est-ce que ce n’est pas toujours trop tard ? Les adultes qui ont croisés le chemin de Duke ont tous essayé, avec leurs moyens, mais le démon était trop puissant.

Je sentais bien que j’avais à l’intérieur une trace qui ne partait pas c’est la déchirure de l’enfance c’est pas parce qu’on a mis un pont au dessus du ravin qu’on a bouché le vide.

Dans cette vie faite de noirceur il y a quelques éclaircis. La découverte de la nature, les liens avec une de ses sœurs, sa famille d’accueil chaleureuse ou encore les bras d’une junky sont autant de maigres bouées de sauvetage pour Duke. Mais néanmoins le mal est trop puissant. Duke s’interroge sur ce démon qui le ronge, cette force obscur qui lui fait commettre de mauvaises choses. En prison il découvre les écrits de saint Augustin et les confronte à ses souvenirs. Il se questionne sur la notion de bien et de mal, interroge la définition de la culpabilité.

Il faut comprendre que c’est trop dur de demander à un enfant qui a enduré d’avoir en plus la force de faire les bon choix c’est comme si vous demandiez à un éclopé de marcher mieux que les autres.

L’auteur est un journaliste judiciaire et il a écrit ce roman en seulement trois semaines. C’est presque incroyable tant le texte est puissant et abouti. C’est un auteur qui a de l’or dans les doigts et dont le prochain roman sortira au printemps. A ne pas manquer à mon avis !