Les éditions Emmanuelle Collas nous proposent souvent des textes forts et engagés. Les impatientes fait parti de cela. On a l’impression en le lisant d’être dans un dystopie proche de l’univers de La servante écarlate sauf que l’autrice nous raconte un quotidien bien réel. C’est celui des femmes peules et musulmanes du Cameroun.
Le roman retrace l’histoire de trois femmes dont les vies se croisent. Ramla est mariée à un homme de cinquante ans plutôt qu’à celui qu’elle aime. Safira est la première épouse de cet homme et voit arriver d’un mauvais œil la jeune fille. Enfin Hindou, la sœur de Ramla doit épouser son cousin violent et alcoolique. Les autres femmes autour d’elles les exhortent à la patience, vertu première dans cette société. Mais la promesse d’un paradis ou du soutient d’Allah ne suffit pas à endurer les contraintes et les brimades constantes.
C’est un livre dur qui parle de violences conjugales, mariages forcés, de viol et de polygamie. La violence est aussi psychologique. Conditionnées et surveillées depuis leur plus jeune age, les femmes ont très peu de liberté. Elles vivent entre les murs de leur maison sans presque jamais sortir. Vivant en communauté avec les autres épouses et enfants de leur maris, elles ne sont jamais seules. Elles n’ont pas de répit ni se soupape, elles doivent constamment garder le contrôle et cacher leurs émotions.
Ainsi a-t-on soigné mon corps mais pas mon esprit. Personne n’a pensé qu’il existait en moi des blessures plus profondes et plus douloureuses. On me répéta qu’il ne s’était rien passé de dramatique. Juste un fait banal. Rien d’autre qu’une nuit de noces traumatisantes. Mais toutes les nuits de noces ne sont-elle pas traumatisantes ?
Le roman nous montre aussi les mécanismes de la polygamie. La mise en rivalité des femmes les unes avec les autres empêche les tentatives de sororité. Les filles doivent veiller à être exemplaires sous peine de faire répudier leurs mères. Même les fils ne peuvent défendre leur sœurs sans mettre en danger les mères. Les femmes se scrutent et attendent le faux pas de l’autre pour prendre l’ascendant. La polygamie permet d’assurer la toute puissance du mari qui est au dessus de tout les autres membres de la famille. Les femmes, rivales, n’ont d’autre choix que de se soumettre si elles ne veulent pas se retrouver à la rue.
J’ai le cœur serré. Je ne suis plus seule dans la maison. Je ne suis plus une femme aimée. Je ne suis plus à présent qu’une épouse, qu’une femme de plus. Alhaji Issa, mon amour, n’est plus mon amant. Dès ce soir il serra dans les bras d’une autre et, rien ne sera plus jamais comme avant. le cœurs d’un homme peut-il vraiment se partager entre deux femmes ?
L’autrice rend bien compte du piège psychologique et physique dans lequel sont tenues les héroïnes. Elle a vécu ce que traverse ses personnages. C’est un livre coup de poing qui laisse peu de place à l’espoir et rappelle que le patriarcat et certaines conceptions religieuses tuent. C’est un texte bouleversant et marquant qui portent trois héroïnes aux histoires différentes mais prisent dans le même engrenage. A travers leur parcours, l’autrice nous montre plusieurs des facettes de cette oppression. On ne sort pas indemne d’un tel livre.
Ô ma mère ! Que c’est dur d’être une fille, de toujours donner le bon exemple, de toujours obéir, de toujours se maitriser, de toujours patienter !
Ô ma mère, je t’aime tellement mais je t’en veux aujourd’hui.
Ô ma mère, ressaisis-toi ! Regarde-moi. ai-je l’air heureuse comme le doit être toute mariée ?
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